Développer les compétences non disciplinaires

Par Philippe Caron, enseignant au préscolaire, étudiant à la maîtrise en sciences de l’Éducation à l’Université de Montréal

 

Le personnel éducateur prend de plus en plus conscience des sphères de développement abordées lors des activités offertes. Il est appelé à collaborer plus étroitement avec les autres acteurs scolaires, ce qui est une occasion de partager une mission commune et un même vocabulaire. Cet article propose des pistes afin de guider l’ensemble des acteurs scolaires, plus particulièrement le personnel éducateur, à mieux considérer l’implication du service de garde dans la mise en place d’activités en harmonie avec le projet éducatif de l’école.

La grande majorité des services de garde scolaire du Québec ont élaboré un programme d’activités en cohérence avec le Programme de formation de l’école québécoise. Les membres du personnel du service de garde sont des acteurs à part entière dans le développement des compétences et doivent s’assurer que les activités au programme font appel à l’ensemble des compétences non disciplinaires, communément appelées les compétences transversales.

Rappelons que les enseignants et le personnel en garde scolaire offrent des services complémentaires en manifestant des rôles éducatifs distincts.

«  Alors que l’école s’occupe du savoir intellectuel, le service de garde s’abstient de prioriser l’acquisition de savoirs fondamentaux comme la lecture, l’écriture, les mathématiques.  »[1]

Cependant, ces acteurs ont en commun plusieurs compétences mobilisées autant dans les matières scolaires que dans le jeu ou les projets ludiques. Alors que les aspects du développement global sont l’affaire de tous les acteurs scolaires, les compétences non disciplinaires font partie des considérations du personnel éducateur. Mais pas de panique, ces compétences sont déjà mobilisées dans les activités du service de garde. Afin de s’assurer qu’elles soient abordées, il faut revenir à la source et s’approprier les neuf compétences non disciplinaires du Programme de formation de l’école québécoise[2].

Compétences non disciplinaires

Pour passer à l’action, trois pistes seront proposées dans les prochaines lignes afin d’harmoniser les activités du service de garde avec le projet éducatif scolaire. Il sera d’abord question de l’analyse des activités mises à l’horaire du service de garde, ensuite de la communication entre éducateur et enseignant et enfin du rôle de leadership de certains membres clés de l’école.

Analyser et améliorer les activités

Une planification réfléchie dénote le sérieux du travail d’éducateur. Il faut planifier à long terme en s’assurant d’un équilibre dans les compétences abordées. Il est donc nécessaire d’analyser l’ensemble des activités habituellement offertes durant l’année afin de se faire une idée des compétences non disciplinaires les plus souvent considérées et celles que nous devons exploiter davantage. Il est aussi préférable de faire ce genre d’exercice avant de remettre la planification hebdomadaire afin de saisir le plus de chances possibles d’ajouter à nos activités des caractéristiques qui élargiront le spectre des compétences visitées et donneront ainsi aux enfants une occasion de plus de les découvrir, de la pratiquer ou de les réinvestir.

Certaines compétences non disciplinaires comme coopérer, communiquer de façon appropriée ou structurer son identité émanent du discours du personnel éducateur en garde scolaire. Si ces compétences sont naturellement abordées lors des activités du service de garde scolaire, d’autres nécessitent une réflexion plus approfondie. Créer ou modifier des jeux, des projets qui amèneront les enfants à développer l’ensemble des compétences non disciplinaires constituent de réels défis pour le personnel du service de garde, comme il l’est pour les enseignants.

Il ne faut pas s’inquiéter si certaines compétences non disciplinaires sont peu abordées, le simple fait d’identifier un tel manque montre le professionnalisme et l’ouverture à l’amélioration continue des services.

Rappelons au passage que les compétences non disciplinaires ne se développent pas de façon isolée. Il peut être utile d’en cibler une ou deux mais de façon générale, elle sont sollicitées en interaction les unes avec les autres. L’exercice d’analyse de la planification constitue une véritable démarche d’autoévaluation. Prendre conscience des compétences non disciplinaires du Programme de formation de l’école québécoise auxquelles font appel nos activités permet d’optimiser le potentiel éducatif des activités et de multiplier les occasions de développer les compétences dans différents contextes. Cet exercice d’analyse et d’amélioration peut paraître lourd. Il exige de la réflexion et de l’imagination, mais celui-ci s’exercera éventuellement de manière spontanée et fera rapidement partie du processus de planification.

Accroître la communication entre le personnel éducateur et le personnel enseignant

La communication est une autre piste intéressante afin d’améliorer l’implication du service de garde dans le projet éducatif de l’école. Le personnel du service de garde doit rencontrer le ou les enseignants des élèves qui leur sont confiés, que ce soit en début d’année, en début de mandat ou au courant de l’année. Ils doivent leur faire part de leur intérêt dans le développement des compétences non disciplinaires, ce qui, pour certains enseignants, n’est pas nécessairement connu. Le souci du savoir-agir des enfants dans les situations concrètes de la vie est commun au personnel éducateur et au personnel enseignant. Des rencontres de communication permettront d’activer des liens afin de s’inspirer mutuellement ou même de proposer des réinvestissements de certains acquis scolaires dans un contexte de jeux. La communication entre enseignant et éducateur doit être fortement valorisée par les leaders scolaires afin d’aider à la cohérence des actions.

Compter sur le rôle de certains leaders

Plusieurs recherches ont montré que l’implication active de la direction et du technicien du service de garde aide à promouvoir le potentiel du service de garde et aide au rayonnement de ses réalisations[3]. Ainsi donc, ces personnes sont des acteurs clés qui peuvent faire comprendre à l’ensemble des acteurs de l’école que le personnel éducateur mobilise des compétences non disciplinaires nécessaires à la réussite des enfants. La direction et le technicien du service de garde ont avantage à valoriser des rencontres afin d’améliorer la cohérence entre l’école et le service de garde. En ce sens, un document de suivi pourrait être partagé entre ceux-ci afin que l’un et l’autre puissent combiner leurs idées et leurs efforts pour le développement des compétences non disciplinaires.

 

Enfin, il faut toujours garder en tête que le service de garde constitue un «  bonus  » à la vie scolaire. Par son caractère non-obligatoire, le service de garde ne peut évaluer officiellement les élèves. De plus, il n’est pas de leur ressort de couvrir l’ensemble des compétences nécessaires au développement d’un bon citoyen. Cependant, il est certain que l’implication du service de garde peut faire une différence importante dans le développement des enfants qui leur sont confiés. En aucun cas ces efforts ne sont négligeables.

 

[1] RIVET, E., GUY, B. et JONCAS, M. (1997). Les services de garde en milieu scolaire  : Un défi éducatif. Longueuil, QC : ASGEMSQ.

[2] Pour ceux et celles qui interviennent auprès d’enfants du préscolaire, ce sont les six compétences de l’éducation préscolaire décrites au chapitre quatre du même programme qui tiennent lieu de repères. Cela constitue une première étape qui apportera son lot de réflexion.

[3] Larouche, H. (2000). Le savoir d’expérience en garde scolaire abordé dans une perspective ethnométhodologique et reconstruit au moyen de récits de pratique (Thèse de doctorat inédite). Université Laval.